Le 16 février 2023 s’est tenue à Bercy la toute première édition des Assises nationales sur la féminisation du secteur numérique. Un signal fort fut donné à l’initiative de la fondation Femmes@Numérique. Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 26,5% des effectifs du secteur numérique. Et moins de 16% des fonctions techniques d’après la présidente de la fondation, Corinne Dajon.
Par quel mécanisme ce phénomène perdure-t-il encore en 2023 dans un secteur où 230 000 postes sont à pourvoir en France d’ici 2025 ? Il en a découlé le besoin de pallier l’absence des femmes. D’autant plus dans un contexte de pénurie de talents. Pour mieux comprendre, voici un focus sur la place des femmes dans le secteur du numérique en 2023.
L’absence des femmes dans le numérique en chiffres
En 2023, 63% des Français pensent que les femmes sont aussi talentueuses que les hommes dans les métiers du numérique, au lieu de 59% en 2022 selon Ironhack. Pour autant, elles demeurent toujours les grandes absentes du secteur. Selon Talents du numérique, le secteur ne compte que 30% de femmes dans ses effectifs. Contre 46,8% tous secteurs confondus. Un écart qui se creuser davantage pour les métiers aux profils plus techniques.
Résultat : les femmes occupent seulement 20% des postes d’ingénieurs et de cadres en recherche et développement informatique. Et 16% de ceux de techniciens en recherche et développement informatique. Si de multiples facteurs peuvent justifier ces chiffres, 51% des Français pensent que les femmes ne se sentent pas légitimes pour ces métiers. Quand 37% considèrent qu’elles ne sont pas aussi douées que les hommes pour exercer un métier lié au numérique.
Ce constat prévaut également dans le monde des startups. Car 1 startup sur 4 a un comité exécutif exclusivement masculin. Malgré cette marginalité dans le milieu de la tech, les femmes semblent se frayer un chemin sur une scène majoritairement masculine en pleine effervescence. Eh oui ! Même si elles ne comptaient que pour 17% dans la Tech en 2022, force est de constater que tout comme la mixité, les mentalités évoluent.
Un secteur du numérique en grand besoin d’inclusion
Vous l’aurez compris : si les femmes représentent 30% des salariés du numérique en France, c’est ailleurs qu’elles manquent. De fait, leur absence se fait sentir dans le développement ou le management, où elles sont respectivement 18% et 18,5% à travailler. Certes, si le secteur suscite leur intérêt, les clichés concernant ce secteur ont la vie dure. Tant au niveau de la culture geeks, qu’au niveau de l’omniprésence masculine et du sexisme.
De même, les données publiées par l’institut Dalia Research attestent du manque de diversité au sein des grandes entreprises de la Silicon Valley. Selon Statista, environ 7 employés sur 10 sont des hommes chez Facebook, Apple et Google. Et ce, même si la diversité des genres s’avère essentielle dans un secteur où les recrutements et les créations d’emplois vont encore croître davantage.
Aujourd’hui, la proportion de femmes dans le numérique en France est en progression, mais reste timide. À en croire une étude Gender Scan de 2022, les effectifs de femmes ont progressé de seulement 12% à 17% entre 2018 et 2020. Quant à la France, les effectifs de femmes ont augmenté de seulement 5% entre 2011 et 2019 au sein des métiers de l’ingénierie.
Un secteur à l'origine très féminin
Mais les femmes n’ont pas toujours été absentes du numérique, au contraire ! Déjà, le premier programme informatique a été créé en 1843 par une femme, Ada Lovelace. Cent ans plus tard, Hedy Lamarr marquera à son tour l’histoire des sciences, en brevetant un système de sécurisation des télécommunications. Puis en 1945, Kay McNulty, Betty Jenning, Betty Snyder, Marlyn Meltzer, Fran Bilas, Ruth Lichterman, dites les « ENIAC six« , ont créé la première programmation de l’ENIAC, l’un des premiers ordinateurs de l’histoire…
Il faut dire que jusque dans les années 80, la gent féminine était très présente dans le numérique. Jusqu’aux années 90, lorsque le développement de l’informatique se révèle être un enjeu stratégique pour les entreprises comme pour les Etats. En effet, le prestige obtenu par cette discipline a entrainé un engouement massif des hommes pour ces divers métiers, aux dépens des femmes. De même que l’apparition des ordinateurs personnels permit à la quasi-totalité des hommes de s’équiper à domicile, le père comme le fils.
Donc, l’importance croissante du secteur sur la scène internationale peut expliquer ce phénomène de marginalisation. À titre d’exemple, 35% des emplois en informatique en France étaient occupés par des femmes en 1982, alors qu’elles ne sont plus que 12% aujourd’hui.
Quelques initiatives pour inverser la tendance pénurique
Tout d’abord, il est important de comprendre que la féminisation des métiers du numérique constitue un enjeu triple : économique, social et sociétal. Face à l’essor du secteur numérique, le déficit croissant en termes de ressources humaines et de compétences risque à la fois de freiner les entreprises dans leur développement, et d’empêcher la réalisation du Plan France 2030. Sans oublier les difficultés liées à la sous-représentation des femmes, entravant à terme un traitement équilibré du numérique.
Dans le prolongement des premières Assises nationales sur la féminisation du secteur numérique, un collectif a également été créé en vue d’interpeller les pouvoirs publics, composé de plusieurs organisations (Cigref, Collectif Math&Sciences, Cercle InterElles, WoGiTech, Femmes@Numérique, Numeum, Société Informatique de France, Social Builder et Talents Du Numérique). À travers un plaidoyer commun, elles proposent d’intervenir sur quatre axes :
- Créer une culture favorable au développement égalitaire du numérique
- Promouvoir la transversalité des sciences et du numérique au service de la cohésion sociale
- Concevoir et déployer sur la durée un dispositif national de sensibilisation aux biais de genre et de valorisation des enjeux et métiers du numérique
- Créer les conditions favorables à l’entrée et au maintien durable des femmes sur le marché du travail
Pour toutes ces raisons, les enjeux d’inclusion seront certainement déterminants face à la pénurie de talents.
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